DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder

Publié le 7 Décembre 2023

Grâce au découpage en trois histoires indépendantes de ces épisodes spéciaux qui célèbrent les soixante ans de « Doctor Who », Russell T Davies nous offre un épisode intrigant et intense, qui repose tout entier sur les épaules de David Tennant et Catherine Tate, qui sont quasiment les seuls comédiens à apparaître à l’écran.

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder
La meilleure célébration

« Wild Blue Yonder » tire parti du contexte dans lequel ces spéciaux d’anniversaire ont été conçus. Il y a dix ans, pour le cinquantenaire, il n’y avait plus eu d’aventures multi-Docteurs depuis « The Two Doctors » qui, en 1985, réunissait le sixième et le deuxième Docteur. Ce serial en trois parties suivait de peu « The Five Doctors », qui marquait les 20 ans de la série en 1983.
La formule semblait donc un passage obligé en 2013, dont Steven Moffat s’est brillamment tiré, en mettant en avant le lore de la Time War. Cette Guerre du Temps, qui a vu s’affronter les Time Lords et les Daleks, entraînant leur destruction mutuelle, est une idée de génie de Russell T Davies au moment de relancer la série, qui permettait de se débarrasser en beauté d’une continuité lourde et parfois embarrassante. (Le seul inconvénient de l’intrigue concoctée par Steven Moffat pour le Special des cinquante ans est qu’elle pavait la voie à un retour de Gallifrey et des Time Lords, qu’il fut nécessaire d’éliminer une deuxième fois quelques années plus tard.) 
« The Day of the Doctor » avait réuni Matt Smith et David Tennant avec un Docteur surprise incarné par John Hurt, qui venait compenser le refus de Christopher Eccleston de revenir sur le plateau de tournage de la série.

(Le tournage de la première saison, en 2004/2005, a été particulièrement compliqué. À cette époque, la télévision britannique n’avait pratiquement plus rien produit dans le genre de la science-fiction depuis une quinzaine d’années, encore moins à cette échelle. Face aux contraintes posées par les nombreuses séquences d’action et d’effets spéciaux, le tournage se révélait beaucoup plus lent qu’anticipé. Après la première semaine d’un bloc de tournage particulièrement compliqué, réunissant « Rose » et l’épisode en deux parties « Aliens of London » et « World War Three », l’équipe se retrouvait avec un retard énorme qui menaçait gravement l’ambition de la série. Dans ce contexte, les tensions étaient fortes, les nerfs fragiles. Cette ambiance très tendue a rendu pour Eccleston l’expérience de tournage difficile, et a rompu son lien de confiance avec les producteurs de la série, dont Eccleston estime qu’ils se sont mal comportés avec les équipes.)

Depuis ce spécial des cinquante ans, deux autres aventures multi-Docteurs ont été produite : « Twice Upon a Time », le dernier épisode de Peter Capaldi, dans lequel il est réuni avec le premier Docteur, et l’épisode final de Jodie Whittaker, « The Power of the Docteur », diffusé il y a un an, au moment du centenaire de la BBC. Plaisant à regarder, « The Power of the Doctor » incarnait aussi les travers de ce type de proposition, en s’avérant une sorte de best-of surchargé et un peu vain, dans lequel les cadeaux fait aux fans sont clairement au détriment du plaisir que peut prendre un spectateur ordinaire. 
Cela ne faisait pas vraiment sens de diffuser deux fois la même chose à la suite, surtout que Whittaker n’allait pas revenir immédiatement après son départ et que Peter Capaldi n’est pas intéressé à l’idée de revenir pour un épisode multi-Docteurs. Reformer l’équipe Tennant – Smith n’aurait fait que renforcer le sentiment de réchauffé.

Néanmoins, Russell T Davies a confié qu’il a été tenté, pendant l’écriture de « Wild Blue Yonder », de finalement inclure une référence au passé de la série. Le premier Docteur pourrait-il se trouver dans le poste de pilotage ? Peter Capaldi se cacher dans un placard du vaisseau ? Il en est finalement resté à son concept d’origine : le 14ème Docteur et Donna seuls à bord d’un vaisseau, et c’est heureux. La simplicité et la clarté de cette proposition permet à l’épisode de développer une ambiance qui lui est propre, vraiment excitante, et de passer un peu de temps avec les personnages du Docteur et de Donna.

La mavité de la situation

Le Tardis, en déroute après un accident de café, amène le Docteur et Donna sur un vaisseau qui, après être passé par un trou noir, dérive aux confins de l’Univers, dans une sorte de néant absolu où la lumière des étoiles n’est pas encore parvenue. Le décor principal de l’épisode est un gigantesque couloir central, qui est essentiellement virtuel (seuls le sol et les deux hexagones présents sur les murs que le Docteur et Donna touchent existaient physiquement). Ce n’est pas le premier décor virtuel de la série, mais désormais, il est possible pour le réalisateur de prévisualiser le résultat final directement sur les moniteurs du plateau, pendant le tournage des scènes, ce qui facilite le casse-tête des longs tournages sur fond vert, qui font vite perdre tout sens de la spatialité et n’aident pas à positionner clairement les caméras. Pour un aperçu des réalités pratique de ce tournage, le réalisateur de l’épisode Tom Kingsley a publié sur X (anciennement Twitter) un thread bourré d’images des coulisses.

Initialement, le Docteur et Donna semblent être seuls sur le vaisseau, mais ils rencontrent bientôt deux doubles, deux non-entités issues du néant, qui recopient leur apparence, bien qu’ayant du mal à maîtriser les réalités d’une apparence physique, notamment en ce qui concerne la forme et les dimensions. La première apparition des doubles est assez formidable, le spectateur étant amené à penser qu’un déplacement des personnages a été ellipsé avant que l’entrecroisement des scènes, en parallèle du tour de plus en plus bizarre que prennent les conversations, ne dévoilent la supercherie. 

« Wild Blue Yonder » parvient à développer une atmosphère véritablement angoissante, en jouant sur une tension sourde et sur la subjectivité du point de vue de la caméra. La musique de Murray Gold participe brillement de cette ambiance étrange et stressante. Elle n’est pas sans évoquer la bande originale de « Sunshine », issue de la collaboration entre le groupe électro Underworld et John Murphy, un des scores ayant la plus grande influence de ces dernières décennies.

L’épisode culmine dans un climax très réussi dans laquelle la vraie Donna se retrouve abandonnée sur le vaisseau sur le point de s’autodétruire, avant que le Docteur ne se rende compte de son erreur et ne vienne la sauver à la dernière minute, révélant au passage un mouvement de passerelle capable d’éjecter un passager, un élément d’un nouveau décor du centre de contrôle du Tardis qui semble plein de ressource.

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder
The Flux

Le temps passé avec les personnages permet à Russell T Davies de faire le point. En particulier, on découvre que le Docteur est toujours affecté par les événements de the Flux, au cours desquels la moitié de l’Univers a été détruit. Surtout, fan parmi les fans, Davies sait la controverse qu’a généré la storyline du Timeless Child. Il y fait ouvertement référence, confirmant que le Docteur ne vient pas de Gallifrey, ancrant ce rebondissement de l’ère précédente dans la continuité de la série. Concernant la continuité, on notera la scène où le Docteur s’inquiète de son bluff sur la ligne de sel. Aux confins de l’univers, la où les murs sont fins, il craint que cet acte ne puisse avoir des conséquences inattendues... ce qui suggère qu’il en aura probablement dans un futur épisode.

De son coté, Donna pense à sa famille, à la manière dont sa mère, son mari, sa fille réagiront si elle devait disparaître à jamais, imaginant que son grand-père Wilf sera probablement installé en permanence dans l’allée où le Tardis a disparu, attendant avec un Thermos le retour de sa petite fille.
Et c’est exactement là qu’on retrouve le personnage, dans un moment où le bonheur des personnages, des comédiens et des spectateurs se confond. Bernard Cribbins fait là son émouvante ultime apparition à l’écran, filmée quelques semaines avant sa mort à 93 ans. Il était prévu qu’il film d’autre séquences pour le troisième épisode spécial, mais sa santé ne l’a pas permis. « Wild Blue Yonder » est dédié à sa mémoire. 

DOCTOR WHO - 60th Special 2 – Wild Blue Yonder

Doctor Who : Wild Blue Yonder
Écrit par Russell T Davies
Réalisé par Tom Kingsley

❤️❤️❤️❤️🤍

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